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Poésie Yoguique et Alchimie Spirituelle
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17 août 2019

Innocence de la Philosophie - Natarajan

 

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Les raisons pour lesquelles la philosophie échoue, c’est que les notions philosophiques existent hors de tout contexte. Donc, ça ne peut pas marcher. Quand on parle de liberté, de quelle liberté s’agit-il ? S’agit-il de la liberté d’un prisonnier incarcéré ? D’un chef de bande qui fait tout ce qui lui passe par la tête ? S’agit-il de la liberté d’un Etat qui mène une politique qui va parfois à l’encontre des droits internationaux ? Qu’est-ce que la liberté ? Quand on réfléchit longtemps sur une notion en philosophie, de temps en temps, on a l’Eureka d’Archimède, qui est indispensable en philosophie. Sans l’eurêka d’Archimède, on peut pas pratiquer de philosophie. L’eurêka d’Archimède, c’est le moment où une notion (qui est abstraite, en dehors de tout contexte, comme la liberté par exemple) en appelle une autre et à ce moment-là, on voit que la réalité ne peut fonctionner qu’en assemblant ces deux notions. Donc, l’Eurêka d’Archimède, c’est très intéressant et ça arrive à tout philosophe. Le gars, il peine sur une notion, il la malaxe, il en fait du chewing-gum, il la mâche et tout, et puis ça ne va toujours pas. Et à un moment il se dit : « bon dieu mais c’est bien sûr ! » ce dont je parle là de toute façon est tellement relié à ça. Le mental, quand il définit quelque chose, il définit, il précise dont il cadre. Et en cadrant, il réduit.

Il y a l’Eurêka d’Archimède : le philosophe se dit : « bon dieu de bon sang ! » je ne peux pas parler de la liberté sans parler de la responsabilité. C’est arrivé à Jean-Paul Sartre qui a suivi le chemin de la phénoménologie…

Quand le philosophe se rend compte que pour faire descendre ce concept dans la réalité, il va devoir voir où les notions qu’il emploie abstraitement entretiennent des liens dans la réalité contingente. Là il a une chance de faire une œuvre philosophique. Mais il y a la difficulté du départ qui est qu’une notion est abstraite et qu’elle est en dehors de tout contexte. Par exemple, quand on adjoint la notion de responsabilité à celle de liberté, on a des contextes qui jaillissent tut seul : être libre, est-ce que c’est faire n’importe quoi ou c’est être responsable de ses actes sans imiter personne ? Pour les véritables existentialistes, être libre, c’était être responsable de ses actes sans imiter personne, c’est-à-dire être maître de sa propre pensée. Mais si l’on ne travaille que sur une seule notion, on reste dans le vide. Et c’est la même chose que, par exemple, si vous réfléchissez sur le droit (c’est intéressant le droit puisque c’est une notion que l’on retrouve en philosophie, en économie, dans toutes les institutions, c’est la base de ce qu’on appelle la science juridique). Qu’est-ce que c’est le droit ? A quoi ai-je droit par nature ? Et puis vous allez voir à un moment que c’est bien joli de d’essentialiser le droit, et que le droit tombe dans l’escarcelle du devoir très rapidement, c’est-à-dire que droit et devoir en réalité, c’est blanc bonnet et bonnet blanc, c’est pas si différent que ça. Il y a des liaisons certaines entre la notion de droit et la notion de devoir. Et donc en remontant le fil de la réalité du cours des choses, on tombe aussi sur l’obligation, l’infraction, on tombe sur la réalité telle qu’elle se déploie alors qu’on est simplement parti d’une notion abstraite : le droit. Alors, comme toutes les choses se tiennent, il est extrêmement difficile de faire de la philosophie parce qu’on ne sait jamais jusqu’où il faut adjoindre à des notions qui fonctionnent ensemble une nouvelle notion qui manifeste dans la réalité les deux notions précédentes. On voit bien que la philosophie est quelque chose d’inqualifiable.

On peut ne parler que de la liberté, mais cela devient plus intéressant si l’on parle de la réalité et de la responsabilité. Tout se joue là en réalité. Le sort des sociétés se joue dans la relation entre la liberté et la responsabilité. Mais on peut étendre la question et être toujours dans la philosophie et se dire, liberté oui, responsabilité oui, mais avec ça je n’ai pas encore le tableau entier. Et alors on va ajouter le devoir. Mais le problème, c’est qu’à un moment, la notion de devoir tombe à plat. Le devoir, par rapport à quoi ? Le devoir qui est institué par quelle autorité ? Donc à un moment on tombe sur la question de l’autorité ? Et c’est absolument infini. Par exemple, le devoir (et Dieu sait si dans nos sociétés occidentales, le devoir a été essentiel pendant des siècles – à cause de l’Eglise et des philosophies moralistes, etc.) n’est pas du tout la même chose selon qu’il est associé à la notion d’autorité (parce qu’à ce moment-là, le devoir est une contrainte) ou s’il est associé à la notion de liberté. A ce moment-là, le devoir fait partie de la responsabilité individuelle et il ne s’agit pas du tout du même devoir. Une personne qui fait son devoir parce qu’elle obéit strictement à une loi n’est pas dans la même position que quelqu’un qui sent qu’il doit faire quelque chose en son âme et conscience parce que sa liberté l’a poussé à telle responsabilité. Donc comment voulez-vous que les hommes se comprennent entre eux quand une notion aussi passe-partout que le devoir peut aussi bien caractériser une contrainte qu’une expression de soi-même ?

« J’ai fait ça parce que je le devais », cela n’a pas le même sens si on a été obligé de le faire parce qu’on subissait une contrainte, une autorité, ou si on a fait ça parce qu’en son âme intérieure on s’est dit « c’était mon devoir de me jeter à l’eau pour sauver la personne qui allait se noyer ». Pourtant, il n’y avait pas écrit : « se jeter à l’eau pour sauver toute personne qui se noie ». Vous voyer bien que chaque mot – même du vocabulaire courant – ne représente pas le même mouvement de la conscience. Et pourtant, ce sont les mêmes mots qui sont utilisés. Le mot « devoir » est aussi bien utilisé pour parler d’une contrainte à laquelle on ne peut pas se dérober que pour parler d’un acte mûrement réfléchi qu’on a jugé nécessaire et qui n’était peut-être pas agréable.

Est-ce que vous saisissez le piège de la sémantique ? Est-ce que vous saisissez à quel point un mot qui reste identique à lui-même dans des situations totalement différentes et parfois opposées (le devoir qui vient de la liberté étant l’opposé du devoir qui vient de la contrainte), à quel point le signifiant est plat, étant donné que le même signifiant peut renvoyer à des signifiés qui sont différents et parfois même contraires. Comment voulez-vous que les êtres humains se comprennent entre eux ? On utilise le mot « devoir » pour des choses opposées : la libre expression de soi et la réponse à une oppression.

De la même manière, pour en revenir à l’esprit philosophique, la liberté est un mot qui signifie aussi bien la capacité de faire tout ce qui nous passe par la tête (c’est-à-dire faire n’importe quoi) que l’ultime responsabilité (c’est-à-dire je suis libre, je suis maître de mon destin, je pense par moi-même). C’est le même mot pour dire : je peux faire n’importe quoi et je peux m’assumer pleinement. C’est le même mot : liberté. Pour une personne, être libre, ce sera faire tout ce qu’il lui passe par la tête du matin au soir et pour une autre personne, ce sera accéder à l’être, parce que le moi sera parvenu à se connaître lui-même. Donc, les mots ne veulent strictement rien dire. Ou plus exactement, chaque mot n’a que la signification de son contexte. C’est pour vous dire à quel point les débats télévisés entre la gauche et la droite sont vains puisque personne ne met pas le même sens sur le mot « République », l’Etat ne représente pas la même chose pour tout le monde… Donc, c’est une foire d’empoigne…  Tant que nous n’aurons pas compris que les être humains mettent chacun, sur les mêmes mots, des significations différentes, nous n’avancerons pas. Il faut savoir de quoi on parle et on ne peut pas savoir de quoi on parle puisque les mots n’ont pas d’essence propre.

Les mots ne représentent qu’une seule chose, c’est l’expérience que le sujet a de ce mot.

Autrement dit, pour 99 % des êtres humains, Dieu est imaginaire. Et pour 1 % (et peut-être même moins) d’êtres humains, Dieu est une réalité (c’est-à-dire il y a eus des flashs, des illuminations, des extases, une expérience de Dieu). Mais tout le monde a le droit de dire « Dieu ». Il y a même des croyants qui s’imaginent que Dieu les observe : « je sens que c’est la volonté de Dieu ».

Que peut-on attendre d’une humanité dans laquelle 99 % des spécimens utilisent des mots alors qu’ils n’ont pas accès au signifié du mot ?

Je regrette, les personnes qui font l’expérience de Dieu sont extrêmement rares. En fait, c’est pas une sur cent, ce serait plutôt une sur cent mille en fait. Et pourtant, Dieu a pignon sur rue, les musulmans en parlent plus que jamais, les chrétiens en parlent, les hindous en parlent… Tout le monde parle de Dieu. Et quand on voie où Dieu se situe, c’est pas la porte à côté.

C’est ça qui est difficile à digérer, pour les êtres vraiment éveillés, c’est de voir des êtres humains parler de choses dont ils n’ont pas l’expérience comme s’ils en avaient l’expérience. C’est la cause de tous les mots humains. C’est ça qui établit le malheur sur la terre. Ce n’est pas de penser de travers mais de s’imaginer qu’on est inspiré par Dieu alors qu’on ne l’est pas, c’est de s’imaginer qu’on est un philosophe alors que la seule chose qu’on fait, c’est de bricoler quelques concepts.

Chaque mot employé par n’importe quel individu ne peut renvoyer qu’à l’expérience qu’il a de la chose, ce qui veut dire aussi que nous ne pouvons pas nous identifier à une philosophie parce que nous ne pourrons jamais nous mettre à la place de ce que le concept représentait pour le philosophe. On ne peut pas se mettre à la place de Hegel, de Kant, de Nietzsche… Parce que les mots et les concepts n’ont pas une résonnance universelle, mais une résonnance par rapport à l’expérience de l’individu lui-même. Ainsi, c’est extrêmement difficile de communiquer puisque chaque homme a une image différente de Dieu, de la liberté, une image différente de la responsabilité… Et quand nous ajoutons à ça que tous les hommes ont une image du devenir, de l’avenir, et que cette image du devenir n’est jamais conforme à ce qui va réellement se passer, nous comprenons que l’espèce humaine entière vit pratiquement dans un monde imaginaire (toutes ces histoires de raison, d’esprit scientifique, etc. sont du pipo). La raison est un tout petit pouvoir mental qui fait de la logique, qui sait faire des cubes et des carrés et des sphères. La raison, c’est un petit pouvoir géométrique de la pensée qui sait faire des recoupements, la raison sait faire des recoupements qui tiennent la route. Mais tout le reste de la pensée (pratiquement en dehors des mathématique) est un processus imaginaire, et c’est pour cela que les éveillés incitent à se libérer du mental. Parce que le mental est un pouvoir imaginaire. Et si l’imagination nous prive de la réalité, il faut renoncer à l’imaginaire. Si, au contraire, l’imagination nous mène à la réalité, ce qui est excessivement rare (mais ça arrive), il faut faire confiance à l’imagination. Mais qu’en savons-nous si notre imagination nous mène à la réalité ou nous égare ? C’est une bonne question et je vous remercie de l’avoir posé.

http://www.spiralephilosophique.fr/spirale_philosophique_video.php?video=2019_08_15_Innocence

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